Focus #1 – La Fast Fashion, ou pourquoi je n’achète plus de vêtements neufs

Hello hello, 

Premier article de la catégorie « Focus » dans lequel nous allons parler de la Fast Fashion. Ce terme désigne un pan de l’industrie textile qui se caractérise par un renouvellement frénétique et très rapide (« fast« ) des collections. Le principe est simple : éviter que le client se lasse, le pousser à revenir le plus souvent possible pour découvrir les nouveautés et l’inciter à acheter rapidement en créant un angoisse du fait de la rapidité du renouvellement et des faibles stocks. C’est donc le cas de la très grande majorité des enseignes que nous côtoyons. Problème : pour arriver à un tel business model, il faut souvent des coûts de production bas, permettant ainsi un prix faible et allant dans le sens d’une incitation permanente à l’achat pour le client. Les acheteurs renouvellent donc sans cesse leur garde-robe, me conduisant au second problème principal : le gaspillage

Un double-problème d’autant plus alarmant que les chiffres donnent un peu le tournis : 600.000 tonnes de vêtements mis en vente chaque année sur le seul marché français, 20 kg de vêtements achetés chaque année par personne, soit deux fois plus qu’il y a 50 ans alors qu’on les garde deux fois moins longtemps. Enfin, l’équivalent de 442 millions d’euros de vêtements finissent à la poubelle chaque année. 

⊗ Si ce n’est pas toi qui paies le prix, quelqu’un d’autre le paie pour toi

C’est une phrase que je répète très souvent dans mon entourage mais qui est la plus représentative à mon sens des aberrations de ce modèle économique. J’ai mis du temps à m’en rendre compte et la couture m’y a beaucoup aidée, mais acheter un T-shirt 4€ ou un manteau 30€ n’est pas normal. J’ai eu un des déclics à ce sujet l’hiver dernier lorsque je me suis fait un manteau. Soucieuse des matières que je travaille, j’ai acheté un coupon de 3 mètres de laine mohair pour 45€, sans en connaître la provenance exacte. Si on ajoute à cela les dizaines d’heures de travail à la main pour confectionner le manteau, le prix de la doublure (en polyester pourtant), des boutons (en plastique) et de la fausse fourrure pour le col, ainsi qu’une marge d’1,5 fois le coût de production (ce qui est assez ridicule), on avoisine les 300€ le manteau… Et pourtant je n’ai pas fait très attention à la qualité de mes matières premières. 

De fait, si nous sont proposés en magasin des vêtements à des prix aussi dérisoires, c’est parce que les fabricants parviennent à faire des économies drastiques à un moment ou à un autre de la chaîne de production. Le maillon le plus faible étant bien souvent le travailleur des industries dans les pays où sont délocalisés la production. Un bref coup d’oeil à vos étiquettes de vêtements vous le montrera vite, les vêtements sont très peu fabriqués en France ou même en Europe. Dans la majeure partie des cas, ils proviennent d’Asie du Sud Est et notamment du Bangladesh. 

On ne le cite plus mais l’exemple du Rana Plaza en avril 2013 a été une première sonnette d’alarme sur les conditions de travail des petites mains derrière nos chiffons. Pour rappel, il s’agissait d’un immeuble de 9 étages qui entassait des milliers de travailleur du textile dans la banlieue de Dacca et qui s’est effondré du fait de son entretien médiocre et de sa surpopulation, laissant derrière lui 1.127 cadavres. Les salariés travaillaient notamment pour Mango ou Primark. Les marques ont depuis juré être plus vigilante sur les conditions de travail de leurs salariés, mais qui peut vraiment le vérifier ? 

L'effondrement du Rana Plaza avait suscité l'indignation à travers le monde et mis la pression sur les marques européennes et américaines pour qu'elles fassent en sorte d'améliorer la condition des ouvriers des 4 500 usines textiles du pays.
(Le bâtiment du Rana Plaza après son effondrement, A.M. Ahad / AP).

Au-delà de ce genre de catastrophes, des dégâts plus insidieux sont quotidiens. Les ouvriers de ces usines sont en effet payés au lance-pierre pour des journées de plus de 12 heures de travail, sans protection sociale, y compris pour les enfants. Pour information, au Bangladesh, 50% des enfants de moins de 14 ans travaillent, le salaire minimum y est de 32€ par mois et le salaire mensuel moyen des travailleurs de l’industrie du vêtement de 62€. 
A cela s’ajoute la manipulation sans protection adéquate des produits toxiques qui permettent la confection des vêtements. En effet, bas coût signifie aussi basse qualité et mauvaise matière, ce qui me conduit à mon second point : la pollution et la faible durabilité des vêtements issus de la Fast Fashion

⊗ Produire vite, produire mal et se lasser vite : entre pollution et gaspillage

Il est souvent martelé que l’industrie de la mode serait la deuxième industrie la plus polluante derrière l’industrie pétrolière. Mais comme j’ai déjà lu la même chose pour l’industrie de la viande, je prends cette statistique avec des pincettes. Je pense que c’est avant tout une question de métrique et que ce genre de chiffre est très difficile à établir et encore plus à comparer puisque ce ne sont pas les mêmes unités qui se cachent derrière. Une chose est sûre, la mode pollue, énormément. Peu importe son classement derrière l’industrie du pétrole, l’industrie textile renforce cette championne de la pollution en exploitant ses dérivés. Il faudrait ainsi 1,5 kg de pétrole pour obtenir 1 kg de polyester. De même, la fabrication de vêtements implique bien souvent l’utilisation de produits extrêmement chimiques et des quantités d’eau astronomique. Par exemple, un jean nécessiterait au total 10.000 litres d’eau et 1 kg de coton entre 5.000 et 10.000 litres d’eau (coucou la mer d’Aral). 

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(Images satellites de l’évolution de la mer d’Aral depuis 1973)

Or, ces produits chimiques utilisés à outrance ne sont pas sans conséquence. Lors de la fabrication déjà, l’utilisation de chlore par exemple pour blanchir les fibres ou de teintures contenant des métaux lourds impacte les zones où les usines sont implantées. Et, comme vu en première partie, ces usines sont massivement délocalisées dans les lieux de production aux coûts faibles. Ce sont donc les lieux les plus pollués par cette industrie mais aussi les lieux qui ont le moins les moyens de financer des infrastructures de dépollution (je vous laisse regarder le bref reportage d’Hugo Clément pour Konbini News sur la pollution à Dacca pour vous en rendre compte par vous-même).

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(Capture d’écran du reportage à Dacca dans l’enfer du plastique, Kobini News, 3 octobre 2018)

Par la suite, au moment de leur utilisation, ces produits entrent au contact de la peau et mettent notre santé directement à risque. De même, au moment du lavage en machine, les microparticules de plastique et de pétrole se détachent des vêtements synthétiques et finissent dans les océans.
A la fin de la vie de ces vêtements, ces matières synthétiques sont difficiles à recycler. Il est en effet de plus en plus rare de trouver des vêtements « purs » (100% coton par exemple, on trouvera davantage du coton / polyester) rendant le recyclage de ces mailles extrêmement complexe et coûteux. 

Pour finir, ces matières sont aussi de mauvaise qualité et bien moins durables que les matières naturelles (qui n’a jamais remarqué que son pull en acrylique prenait beaucoup plus les odeurs, boulochait plus et se déformait plus qu’un joli cachemire ?). C’est donc une forme d’obsolescence programmée qui renforce la spirale d’achat frénétique. 

Pour assouvir ces achats toujours plus fréquent, il faut aussi que les vêtements soient acheminés au plus vite de leur lieu de production vers leur lieu de vente. La seule façon d’effectuer ceci est d’utiliser l’avion, ce qui est donc une fois encore très très polluant. 

En définitive, les vêtements issus de la Fast Fashion sont donc nocifs pour l’environnement mais aussi pour soi et pour les travailleurs que nous oublions bien souvent. 

⊗ Et maintenant on fait quoi ? 

Face à ce tableau peu reluisant, que pouvons-nous faire concrètement ? La première chose à mon sens est d’arrêter d’acheter dans ces enseignes ou du moins de limiter nos achats là-bas le plus possible. C’est la manière la plus efficace de montrer notre désaccord avec ces méthodes de production et d’inciter les marques à se questionner sur leur business model. Dans un monde capitaliste où tout est régi par l’argent, acheter c’est voter. Refuser d’acheter c’est donc dire « non ». 

Il est vrai que certaines marques de la Fast Fashion ont tenté de « verdir » leur image en lançant leur gamme « éthique » comme H&M Conscious. Pour moi, tout ceci n’est qu’un gros greenwashing pour endormir les acheteurs de plus en plus éveillés qui ont encore du mal à se détacher de ces enseignes. Ces gammes sont loin de représenter la majorité des produits vendus par ces marques et, même si en soit l’initiative n’est pas mauvaise, continuer de donner de l’argent à ces établissements, même via des produits soit-disant plus responsables, me dérange profondément. 

Il faut aussi à mon sens se méfier des marques plus haut de gamme qui peuvent donner l’impression de fait d’être plus soucieuse de leur empreinte écologique alors qu’il n’en est rien. Le prix ne fait pas la qualité environnementale. Le luxe s’est en effet adapté à ce mode de consommation toujours plus rapide, comme le témoigne l’arrivée des collections croisières entre l’Automne/Hiver et le Printemps/Eté depuis une quinzaine d’année. Si vous voulez lire plus sur ce thème, je vous conseille cet excellent article de Slow WeAre à propos des marques françaises milieu de gamme qui sont à la traîne niveau éthique. 

Un tel changement peut faire peur. J’ai moi-même fait partie des gens aux penderies pleines à craquer dont je ne portais qu’une infime partie, des personnes fières d’avoir déniché un pull à 7€ en soldes, j’ai même eu la boule au ventre d’être en retard pour les soldes et qu’il ne reste plus rien. Aujourd’hui, je suis pourtant beaucoup plus en phase avec ma consommation. Et beaucoup vous le diront, ma penderie n’est pas vide pour autant… bien au contraire haha. J’ai mis en place quelques règles simples : 

♥ Plus d’achat de neuf depuis septembre 2017 sauf « éthique ». J’appelle éthique un vêtement qui est fabriqué en France ou dans les pays limitrophes (Portugal, Espagne, Italie, Allemagne) et/ou issu d’une petite start up de créateurs que l’on aide à grandir et dont les conditions de fabrication sont clairement stipulées sur le site internet (ce qui montre que la marque n’a rien à cacher sur ce sujet). Malgré tout, je limite au maximum ces achats. En 2018, j’ai ainsi acheté moins de 10 articles rentrant dans cette définition. Par exemple, une combinaison Monoprix fabriquée en Roumanie ou des baskets Victoria fabriquées en Espagne. Ces achats sont donc certes plus chers qu’auparavant mais bien moins nombreux. 

♥ Un grand tri de la penderie à la fin de chaque saison. J’essaie en effet de faire en sorte que pour chaque article qui entre dans ma penderie, un sorte. Comme c’est assez contraignant à faire au jour le jour, je préfère faire un grand tri, environ deux fois par an, pour me débarrasser des vêtements que je n’ai pas porté les 6 derniers mois. Deux options s’offrent alors à moi :
– mettre à vendre les plus belles pièces sur Vinted ou
– donner dans une benne dédiée le reste. Les vêtements ainsi collectés seront revendus à bas prix par des associations dans 65% des cas environ, utilisés en isolants dans 15% à 20% des cas, transformés en chiffons pour garages ou chantiers dans 10% à 15% des cas et brûlés dans les 5% des cas les plus inutilisables. 
Dans tous les cas, je ne jette JAMAIS les vêtements que je ne porte plus.

♥ Mes achats se cantonnent donc désormais à la seconde main : Vinted, les friperies et les vide-dressings de blogueuses principalement. Au-delà de l’impact écologique de tels achats, j’y trouve aussi mon compte financièrement puisqu’on peut trouver de très belles pièces portées seulement 1 ou 2 fois à des prix qui en valent vraiment la peine. J’ai ainsi acheté le mois dernier un col roulé 100% laine mohair noir à 5€ sur Vinted ! Vinted est une plateforme vraiment idéale à mon sens puisque par rapport à une friperie, on n’a pas à fouiller. On peut effectuer des recherches assez précises tranquillement sur son canapé et renvoyer tout ce qui ne nous conviendrait pas facilement. 
Vous pouvez aussi acheter sur Etsy qui propose de petits créateurs français magnifiques pour tous les styles. 

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(Deux exemples de mes achats de l’année passée : un sac Zara via Vinted et des Camille de Repetto neuves mais fabriquées à la main en France)

♥ J’essaie aussi d’acheter de moins en moins et de privilégier des matières et des coupes durables dont je me lasserai peu pour limiter le recyclage qui suivra éventuellement un don, du fait de l’empreinte énergétique de ce processus.

♥ Je tente de faire main au maximum. J’adore la couture mais demeure le problème de la traçabilité du tissu. Malgré tout, faire moi-même me permet d’être vigilante sur les matières premières que j’utilise et de consommer moins puisque cela me prend du temps d’achever ma création. 
De même, plutôt que de donner ou recycler, j’essaie de plus en plus d' »upcycler » mes vêtements en les transformant en autre chose : par exemple une chemise trop grande en jupe ou de vieux collants en tawashi (DIY à venir…). 

(Ma chemise trop grande transformée en jupe à volants)

Une dernière option que je n’ai pas encore testé mais que je trouve excellente est de louer des vêtements pour une occasion particulière. Je pense peut-être le faire pour ma cérémonie de remise de diplôme. Ce serait l’occasion de porter une belle pièce sans encombrer mon dressing et à un prix bien inférieur à celui de l’achat. 

Pour résumer, si vous souhaitez vous détacher de la Fast Fashion et réduire votre empreinte écologique liée à la mode, je vous conseillerais de : 
♥ Réduire vos achats de manière générale et notamment dans ces enseignes
♥ Acheter au maximum de seconde main
♥ Privilégier le made in France ou le made in Europe du moins
♥ Préférer les matières naturelles et biologiques
♥ Ne jamais jeter ses vêtements mais plutôt les revendre, les donner ou les transformer

 

Pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin sur ce sujet, je vous conseille vivement les références suivantes : 
Reportages : Minimalism (disponible sur Netflix) ; The True Cost (disponible sur Netflix) ; Révolte dans la mode (disponible en VOD sur le site d’Arte) ; Vêtements, n’en jetez plus!
♥ Podcasts : Faut-il ralentir la mode pour sauver le monde ?, Du Grain à Moudre – France Inter ; Comprendre la notion du « mieux consommer la Mode », Badass La Mode.
Sites internet : Slow WeAre qui combine référencement des marques éthiques et magazine sur le sujet. 

Je conclus avec un phrase de Vivienne Westwood: « Buy less, choose well, make it last » (« Achetez moi, choisissez bien et faites les durer »). 

Prenez soin de vous, 
Joséphine

4 réflexions sur “Focus #1 – La Fast Fashion, ou pourquoi je n’achète plus de vêtements neufs

  1. […] ♥ « En Ethiopie, les petites mains de H&M ou Calvin Klein gagnent 23 euros par mois », Le Monde avec AFP : Un article bien attristant sur la réalité des conditions de travail des petites mains derrière les vêtements, plus ou moins chers, que nous trouvons dans les grandes enseignes. L’Éthiopie se classe comme le pays où les salariés de l’industrie textile sont les moins bien payés au monde. A titre de comparaison, les travailleurs bangladais de ce secteur gagnant en moyenne 95 euros par mois. A cela s’ajoute des conditions de travail délétères qui poussent les travailleurs à se mettre régulièrement en grève voire à démissionner. Or, beaucoup n’ont pas le luxe de se passer d’un salaire, aussi maigre soit-il… Si un tel coût de production peut expliquer les prix très bas que l’on trouve par exemple chez H&M, je suis extrêmement choquée que cela concerne des marques plus haut de gamme comme Calvin Klein (coucou la jolie marge sur le dos des ouvriers maltraités). Ce genre d’articles me conforte encore plus dans ma décision de boycotter ces enseignes. D’ailleurs, si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à lire à ce sujet mon article sur la Fast Fashion et ses ravages… […]

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